Réflexions sur la quête de la perfection sonore

La reproduction sonore est réalisée par la mise en vibration de l'air sur une bande de fréquence correspondant aux performances maximum de l'oreille humaine, c'est à dire 20 Hz à 20 000 Hz, soit un rapport de 1 000 entre les fréquences les plus basses (grave) et les plus hautes (aigu). Il faut toutefois admettre que la perception qualitative de l'oreille est centrée entre 200 et 2 000 Hz (courbe de Fletcher).
Différentes mesures ont aussi démontré que les différentes musiques, quelle qu'elles soient pour paraître supportables, voir agréable, devaient respecter une courbe de niveau sonore en cloche, centré sur la même zone 200-2 000 Hz : les signaux extrêmes, graves et aigus ne dépassant rarement -30 dB à 20 Hz ou 20 000 Hz.Les transducteurs électroacoustiques (haut-parleurs), de quelque technologie qu'ils soient, ont une bande passante limitée de par leur conception qui met en conjonction de nombreux paramètres parfois contradictoires. Cette bande passante est mesurée en ayant recours à un signal sonore sinusoïdal. On a aussi généralement recours à ce même signal sinusoïdal pour linéariser les niveaux dans une enceinte quand il est recouru à plusieurs haut-parleurs pour étendre la bande passante.

Or, ce signal semble insuffisant pour évaluer l'étendue de fréquences pour lesquelles le transducteur pourra être efficace en pression instantanée, alors que notre système auditif le privilégie. Sans rentrer dans un cours de psychoacoustique, pour cela référez-vous aux publications d'Emile Leipp, notre oreille et plus exactement notre système auditif, qui ne peux en être dissocié, était initialement un de nos sens essentiels pour la survie. Ce système très complexe, basé sur un médiocre capteur non linéaire (l'oreille), est capable d'une discrimination intelligente pour ne retenir que les informations stratégiques en occultant le fond sans intérêt. Pour exemple, lorsque vous subissez un audiogramme et que vous approchez de vos limites auditives supérieures, vous n'entendez plus le signal qu'à l'instant où il est établi ou arrêté. On peut en conclure que la richesse d'une chaîne de reproduction sonore sera de reproduire intégralement les plus infimes signaux impulsifs, fussent-ils conjugués avec d'autres signaux "permanents" de haut niveau.

Pour évaluer la bande "impulsive" d'un haut-parleur il faut avoir recours à des signaux en trains d'onde qui mettent en évidence des déphasages dans la partie basse et une atténuation, voir un traînage dans la partie haute. Si on exclue ces zones perturbées, on obtient une bande passante efficace inférieure à celle déterminée par l'analyse en régime sinusoïdal. Dans cette partie utile de spectre, nous l'appellerons ainsi, l'efficacité du transducteur est maximum et l'énergie électrique qui lui est fournie est transformée en force avec un minimum d'échauffement. Dans ma longue carrière de concepteur d'enceintes, et à partir du moment ou j'ai mis en évidence ces phénomènes et par là même utilisé les haut-parleurs que dans cette bande utile, je n'ai plus eu de haut-parleurs endommagés, pourtant parfois utilisés à de forts niveaux.Les enceintes réalisées selon ce principe avaient une grande définition et s'accommodaient mieux d'un amplificateur dit "doux", voir à tubes. Cette particularité nous a intrigué et nous avons essayé de comprendre et mettre en évidence ces différences de sonorité d'amplificateurs.

A cette époque, un jeune ingénieur scandinave, Matti Otala, venait de publier une intéressante théorie sur la Distorsion d'Intermodulation Transitoire dans les amplificateurs. Cette théorie pouvait être rapprochée dans le résultat de nos réalisations utilisant chaque transducteur dans sa "partie utile". D'ailleurs, à l'époque, Harman-Kardon avait acheté ses services et surtout son nom pour vendre ses amplificateurs.
Pour faire simple, Matti Otala avait mis en évidence un défaut pour la reproduction sonore des circuits amplificateurs utilisant un comparateur différentiel, ce qui est le cas de la plupart des amplificateurs actuels. Ce circuit d'entrée compare la tension d'entrée avec la tension de sortie amplifiée grâce à une boucle de contre-réaction et corrige le signal en temps réel (ou presque). Il s'agit d'une forme d'asservissement du signal de sortie au signal d'entrée. Ces circuits à transistors ou intégrés dans des boîtiers dit "opérationnels" sont conçus avec des gains de plus de 1 000 sans l'application de la contre-réaction et peuvent être ramenés à un gain de 1 avec une contre-réaction totale, ce qui permet d'obtenir une impédance de sortie très basse. Le point faible de cette conception est que le signal doit d'abord traverser tout le circuit avant de fournir le signal de comparaison au différentiel. Or, la traversée du circuit dure quelques microsecondes de sorte que le signal d'entrée (aux environs de 0,5V) sera écrêté en raison que son amplification par 1 000 (500V pour une tension d'alimentation dépassant rarement 50 V par alternance). La boucle de contre-réaction donnera ainsi des indications partielles erronées et corrigera le signal en plusieurs fois au prix d'oscillations. Ces oscillations sont masquées par des circuits anti-oscillation, mais elles demeureront en régime d'intermodulation. C'est peut-être, en partie, ce qui justifie l'engouement pour les amplificateurs à tubes dont le faible gain en boucle ouverte et la haute tension de fonctionnement des lampes permet des impulsions franches et spontanées sous condition que le transformateur de sortie soit performant et procure de bonnes performances avec peu de contre-réaction.La plupart des amplificateurs ont un son propre dont leur "réactivité" est un des éléments qualitatif majeur. La bande passante est bien-sur importante, mais nous considérons la véritable vélocité du circuit sans contre-réaction qui va procurer définition et curieusement douceur, alors qu'une bande passante étendue à l'aide d'une forte contre-réaction amènera dureté, fausse définition et réactivité excessive.

Avec l'expérience, j'ai appris à quantifier la réactivité d'un amplificateur par la lecture à l'oscilloscope de la déformation d'un signal carré obtenu en sortie par la présence d'un condensateur. Cette mesure n'est que comparative et devra toujours être réalisée avec la même charge et le même condensateur (1µF) et ne pas dépasser 1V de sortie crête à crête. Selon l'amplificateur, les fronts du signal carré se trouvent déformés par une oscillation décroissante. On pourra déterminer son amplitude maximum et sa fréquence d'oscillation. L'amplitude déterminera le surlignage de l'amplificateur d'où l'on pourra déduire sa faculté à mouvoir des membranes lourdes et rigides (grande amplitude) ou des membranes légères et véloces (faible dépassement). La fréquence et le nombre des oscillations nous donnera une indication sur la vélocité réelle du circuit. Plus les oscillations seront serrées, plus le temps de propagation à l'intérieur du circuit sera rapide. Attention, certains amplificateurs à la conception risquée peuvent ne pas se remettre de cette manipulation.Ceci vous donne un aperçu des difficultés et des pièges qu'un audiophile peut rencontrer pour réaliser l'accord parfait entre un amplificateur et des enceintes, voir un préampli ou un lecteur de CD.
Cela vous explique aussi pourquoi vous allez trouver sauvagement critiqué votre ampli préféré sur un forum parce que son possesseur n'avait pas comme vous réalisé l'accord parfait avec ses enceintes.

Toute notre passion s'appelle hi-fi, mais il y a très peu de comparaison entre des enceintes "Altec-Lansing Voix du Theatre" et des Spendor S100, pourtant toutes deux jouissant d'une excellente réputation. L'Altec demandera un ampli doux et musical sous peine de vous arracher les oreilles et la Spendor un ampli nerveux sous peine de rester introvertie.
En plus de cela, la pièce d'écoute, partie non négociable, intervient d'une manière conséquente dans l'appréciation d'écoute.Je terminerai en rappelant une devise qui m'est chère : la qualité d'une écoute n'est pas qu'une seule question d'argent mais dépend de votre intelligence, de votre vigilence et de votre obstination.

Jean-Claude Tornior